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Le paradoxe des caméras de surveillance : Entre grands espoirs et résultats mitigés

La sécurité est une préoccupation majeure pour les organisations et la société dans le monde moderne. De nombreuses technologies, dont les caméras de surveillance, ont été développées et déployées pour y répondre. Ces systèmes sont souvent perçus comme efficaces dans la prévention et la dissuasion des crimes et délits au sein des organisations.

Cependant, leur efficacité est-elle aussi incontestable qu’on le pense ?

Cet article vise à explorer cette question en profondeur. Nous examinerons tout d’abord les attentes générales à l’égard des caméras de surveillance et les limites de leur efficacité. Ensuite, nous mettrons en évidence l’importance de l’interaction humaine dans l’efficacité de ces systèmes. Enfin, nous discuterons des principes fondamentaux pour l’utilisation optimale des caméras de surveillance, y compris le couplage deshommes-machines et le choix du mode de surveillance approprié.

En abordant ces points, nous espérons fournir une perspective équilibrée et nuancée sur l’efficacité des caméras de surveillance dans la réduction des risques d’infraction au sein des organisations.

L’efficacité des caméras de surveillance : une perception générale

Attentes à l’égard des caméras de surveillance

Les caméras de surveillance sont souvent considérées comme un outil efficace pour prévenir et combattre la criminalité dans l’environnement de sécurité (Piza et al., 2019). Au sein des organisations, ces dispositifs de sécurité primaires sont couramment utilisés pour sécuriser les lieux. L’idée générale est que le simple fait d’être filmé peut influencer le comportement des individus et dissuader les actes criminels.

Les limites de l’efficacité des caméras de surveillance

Cette perception de l’efficacité des caméras de surveillance est cependant remise en cause. Non pas parce que ces technologies ne fonctionnent pas, mais plutôt parce que certains facteurs empêchent leur utilisation efficace. En effet, l’omniprésence des nouvelles technologies de sécurité dans notre vie quotidienne tend à réduire notre réflexion à la primauté de l’instantanéité. Cette approche favorise la pensée solutionniste (Vigouroux-Zugasti, 2018), qui prône les technologies de sécurité comme une solution au problème, réalisable simplement en appuyant sur un bouton. Dans notre contexte, cette substitution ne signifie pas remplacer les humains mais plutôt transférer leurs tâches (et le risque) à des machines. Par conséquent, la pensée populaire tend à supposer que, dans une perspective solutionniste, la machine effectuera la tâche sans nécessiter d’intervention humaine, et c’est là que réside le problème.

L’importance de l’interaction humaine dans l’efficacité des caméras de surveillance

 

La nécessité d’une réflexion sur l’humain et sa complexité

 

Cette vision solutionniste, qui place la technologie au centre de la stratégie de sécurité, néglige un aspect fondamental : l’être humain et sa complexité. La mise en place de technologies de sécurité ne peut être efficace sans une réflexion approfondie sur l’interaction entre l’homme et la technologie. Il est important de comprendre que l’efficacité d’un système de surveillance dépend non seulement de la technologie elle-même, mais aussi de la manière dont les gens l’utilisent. Par exemple, l’efficacité de la détection des intrusions peut être considérée comme substantielle si l’écart entre la détection des infractions par les superviseurs et la réponse du personnel opérationnel sur le terrain est approprié. Un temps de réponse trop long pour mettre fin à une infraction après sa détection par les agents pourrait être considéré comme une absence de réponse.

Ensuite, la recherche montre que les nouvelles technologies ne doivent pas être utilisées comme un outil de substitution mais comme un outil d’augmentation (Lollia, 2023). Cette augmentation pourrait être considérée comme une “amplification symbiotique“, dans le sens où un nouvel organe remplacerait un organe manquant avec plus de force (Zacklad, 2018).

La mise en place de caméra de surveillances au sein des organisations est motivée par de nombreuses raisons commerciales (économiques, par exemple). Cependant, il est important de se rappeler que les systèmes de vidéosurveillance ne peuvent pas remplacer le personnel de sécurité opérationnel. Au contraire, elles doivent être considérées comme des outils ayant pour but de les aider dans leurs missions.

 

Les conséquences de l’absence de réflexion et d’acceptation

 

L’absence de cette réflexion et la non-acceptation de la collaboration entre l’homme et la technologie peuvent conduire à une utilisation inefficace des outils de surveillance, dont les caméras de surveillance. De nombreuses observations sur le terrain montrent que, sans réponse, les délits peuvent d’abord diminuer sans intervention humaine suite à la détection d’une caméra, mais qu’ils finissent par augmenter à nouveau. Les délinquants s’habituent à la présence des caméras et à l’absence de réaction, adoptent des stratégies d’évitement et poursuivent leurs activités criminelles, parfois même devant les caméras.

Principes fondamentaux pour une utilisation optimale des caméras de surveillance

Le couplage de l’homme et de la machine comme principe d’efficacité

Il est donc clair qu’une action humaine est nécessaire, et pas n’importe laquelle. Cette action doit être efficace dans le temps, c’est-à-dire qu’il faut une réponse appropriée à l’action.
Il est donc essentiel d’établir un couplage entre l’homme et la machine, où l’homme et la machine travaillent ensemble pour atteindre l’efficacité grâce à la collaboration (Lollia, 2021). C’est le deuxième élément nécessaire à l’utilisation optimale des caméras de surveillance.

Le choix du type de surveillance

Enfin, le troisième argument est que le bon usage des caméras de surveillance réside dans l’établissement du choix du mode de surveillance. Le choix entre la surveillance mécanique et la surveillance environnementale est déterminant. Des recherches montrent que dans certains lieux, un système de surveillance de type environnemental est plus approprié qu’un système mécanique (Seifi et al., 2023). Il est donc crucial de choisir le bon type de surveillance en fonction du contexte spécifique.

La prévention de la criminalité par l’aménagement du territoire (CPTED) est un exemple probant de stratégie de sécurité physique basée sur l’environnement. Cette stratégie gagne en popularité et est soutenue par les gouvernements d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Asie et d’Afrique du Sud (Cozens & Love, 2015).

En conclusion, si les caméras de surveillance sont un outil précieux dans la lutte contre la criminalité, leur efficacité dépend de plusieurs facteurs. Il est essentiel de comprendre que la technologie ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes de sécurité. Une approche plus globale, qui tient compte de l’interaction entre l’homme et la machine et choisit le bon type de surveillance en fonction du contexte, est nécessaire pour une utilisation optimale des caméras de surveillance.

Références

  • Cozens, P., & Love, T. (2015). A Review and Current Status of Crime Prevention through Environmental Design (CPTED). Journal of Planning Literature30(4), 393‑412. https://doi.org/10.1177/0885412215595440
  • Lollia, F. (2021). Digital transformation : A literature review of the integration of artificial intelligence into the company’s organisational strategy. An International and Interdisciplinary Perspective on Digital Transformation: The Case of Developing and Emerging Economies./Workshop international” Une perspective internationale et interdisciplinaire sur la transformation numérique”.
  • Lollia, F. (2023). June 8, 2023, Annecy Attack : Reflections on Technologies for Security “, Scientific Blog | 2023, published on The Security Corner.
    URL : https://fabrice-lollia.com/en/blog-scientifique/public-security/augmented-security-and-proactivity-in-annecy/.
  • Piza, E. L., Welsh, B. C., Farrington, D. P., & Thomas, A. L. (2019). CCTV surveillance for crime prevention : A 40‐year systematic review with meta‐analysis. Criminology & Public Policy, 18(1), 135‑159. https://doi.org/10.1111/1745-9133.12419
  • Seifi, M., Cozens, P., Reynald, D., Haron, S. H., & Abdullah, A. (2023). How effective are residential CCTV systems : Evaluating the impact of natural versus mechanical surveillance on house break-ins and theft in hotspots of Penang Island, Malaysia. Security Journal36(1), 49‑81. https://doi.org/10.1057/s41284-022-00331-8
  • Vigouroux-Zugasti, E. (2018). Morozov Evgeny, 2014. Pour tout résoudre, cliquez ici : L’aberration du solutionnisme technologique: Limoges : Fyp éditions. ISBN 978-2-36405-115-7. 22,50 €. Revue française des sciences de l’information et de la communication, 13. https://doi.org/10.4000/rfsic.3573
  • Zacklad, M. (2018). Intelligence Artificielle : Représentations et impacts sociétaux. 15 pages. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02937255

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